Rencontres | Las Madres de la Plaza de Mayo

Un étrange concours de circonstances me fait débarquer à Buenos Aires. Un saut de puce depuis São Paulo en coup de vent ! Le temps étant compté, c’est en taxi que je traverse la ville dans un sens pour revenir en flânant de l’autre. De la Boca à La Recoleta, huit kilomètres pour déguster Buenos Aires au grès de mes pas. Le quartier est très (soyons honnête, il l’est beaucoup trop) touristique, mais je me régale des couleurs vives de La Boca. Je déambule, admire le tresseur d’ail, surprends des buveurs de Maté dans un garage à la décoration hétéroclite, et fini par me perdre chez les antiquaires de San Telmo. De ruelles en avenues, c’est par hasard que j’arrive sur la Plaza de Mayo, la place de Mai. Je suis frappée par l’effervescence qui y règne. Des attroupements ici et là, un peu plus loin des vétérans qui ont établi leur campement, alors qu’au centre une immense banderole est déployée sur plusieurs dizaines de mètres. La Plaza de Mayo est le point de ralliement de toutes les causes, qu’elles soient perdues ou non. Les Porteños y revendiquent leurs droits et y défendent leurs convictions tandis que les mères y demandent justice.

Une rencontre inoubliable

Appareil en main, je me retrouve malgré moi au milieu d’une foule surexcitée où l’on me demande si je viens couvrir l’événement -L’événement ? Quel événement ?-. Un hochement de tête machinal me vaut d’être intégrée aux journalistes et cameramen présents.  Nous sommes jeudi, et ce jour là comme tous les jeudis, les Madres de la Plaza de Mayo se rassemblent. Sans relâche depuis le 30 avril 1977, elles demandent ce que sont devenus leurs enfants disparus (j’apprendrais plus tard que près de 30 000 personnes ont disparu entre 1976 et 1983). J’ai une place de choix, juste devant le cortège. Dans l’anonymat de l’objectif, j’observe toutes ces mères qui n’ont jamais abandonné. Fidèles à leur signe de reconnaissance, elles ont recouvert leurs têtes d’un fichu blanc. Certaines agrippent avec détermination la banderole, d’autres, les larmes aux yeux, détournent pudiquement le regard. Contagieuse, l’émotion m’envahit. Je reste plus de deux heures en leur compagnie et ne ressors pas indemne de cette rencontre. Une légère tristesse persiste pendant mon retour vers La Recoleta. Étrangement, je termine ma route devant l’imposant cimetière du même nom. J’aime les cimetières, leur silence feutré et la quiétude qui s’en dégage, l’architecture parfois étrange des tombeaux, les sculptures muettes et pensives qui semblent observer les passants. Je me plais parfois à penser qu’une dame blanche erre peut-être à côté de moi.

Il aura fallu moins de 24 heures à Buenos Aires pour qu’elle laisse à jamais son empreinte dans ma mémoire. Depuis cette histoire, j’y suis retournée plusieurs fois, mais j’attends avec impatience la prochaine. Celle qui ira de Buenos Aires à la Patagonie…

SP.

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